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jeudi, 24 octobre 2013 04:21

Jean-Michel Martial : « je suis dans la liberté »

Écrit par Willy Gassion
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Jean-Michel Martial met en scène La Loi de Tibi d’après Jean Verdun, une pièce dans laquelle il tient aussi le rôle principal.


Outremerlemag : Vous êtes acteur et comédien. Lequel des deux préférez vous être ?
Jean-Michel Martial : J’ai participé à au moins 70 films et téléfilms et dans ces cas-là, j’étais acteur et à peu près autant de pièces de théâtre et dans ces cas-là,  j’étais comédien. J’ai plaisir à incarner des personnages et à partir de là, on décline cette aptitude pour la technique du théâtre ou pour le cinéma puisque ce sont des choses qu’il faut projeter différemment. Au théâtre, c’est la voix qui va vers le spectateur alors qu’au cinéma c’est le micro qui prend la voix. La vérité de l’émotion, d’un côté il faut la contenir parce que c’est le micro qui va la chercher, de l’autre côté il faut la projeter pour qu’elle puisse être reçue par le spectateur.


Outremerlemag : Quand on fait appel à vous pour un rôle ; qui appelle t’on un acteur Noir ou Jean-Michel Martial l’acteur ?
Jean-Michel Martial : C’est plus complexe que ça. Quand Christian Lara m’appelle pour jouer le premier héros de l’histoire guadeloupéenne (NDLR Sucre amer) qui s’appelle Ignace, il voulait un comédien Noir et Guadeloupéen. Pourquoi lui, aurait-il le droit d’appeler légitimement un comédien Noir et un Blanc n’aurait pas le droit d’appeler un comédien Noir. Ce sont de faux procès. Mais quand on donne aux comédiens Noirs des rôles qui sont peu valorisants et que cela se produit 75 fois sur 76 fois, on peut s’interroger. Je crois que c’est plutôt comme ça qu’il faut se poser la question.


Outremerlemag : Choisissez-vous vos rôles en fonction de ce que vous voudriez ou pas dire ?
Jean-Michel Martial : Quand j’accepte un rôle, j’essaye de faire passer des valeurs qui ne sont pas forcément écrites mais que moi, Jean-Michel, j’ai envie de faire passer. Si je veux donner de l’humanité à mon personnage, de la pondération, un regard bienveillant ou une certaine capacité à réfléchir, c’est moi qui donne ça. Les personnages que j’incarne ont toujours de la tenue. J’essaye de leur donner de la dignité. Dans le film de Raoul Peck (NDLR L’homme sur les quais) je joue le rôle d’un chef des tontons macoutes. Le personnage, c’est une horreur totale mais ce n’est pas n’importe qui. C’est quelqu’un qui a de la force, il est perfide et horrible. Mais c’est quelqu’un malgré tout qui a plein de qualités, plein de force. Il a du talent même dans l’horreur. C’est la plus-value que je donne à mes personnages. Je fais ce qui m’est demandé mais je rajoute toujours quelque chose d’autre sans rajouter un mot au personnage.


Outremerlemag : Vous signez la mise en scène et jouez dans La loi de Tibi de Jean Verdun…
Jean-Michel Martial : Il y a trois ans, j’ai décidé de monter cette pièce avec ma compagnie de théâtre. Michèle Césaire nous a invités à Fort-de-France et on a joué dans son théâtre. On a fait deux représentations. En Guadeloupe on n’a pas pu jouer cette année-là (…). Mais j’avais espéré pouvoir jouer à la Scène nationale de la Guadeloupe, pouvoir travailler dans de bonnes conditions et offrir à la Guadeloupe, comme un enfant de la Guadeloupe de haut niveau, une ou deux représentations. Parce que je suis quelqu’un de haut niveau, je prétends le haut niveau et c’est ce que je propose. Cela n’a pas été possible pour des raisons qui me dépassent. Finalement j’ai joué comme j’ai pu en louant une salle ici et là. On ne m’a pas fait de cadeau. Et finalement le Festival Cap Excellence aux Abymes m’a invité l’année dernière. On a joué en extérieur alors que c’est un spectacle fait pour jouer en intérieur. Mais j’étais très heureux de participer à ce festival. Les gens qui dirigent l’Artchipel sont venus voir mon spectacle mais ils ne m’ont pas invité à jouer.

 
Outremerlemag : Quel est le sujet de la pièce ?
C’est un regard sur la société. La loi de Tibi dit que  l’organisation économique est telle que de plus en plus, il y aura des pauvres. Le système d’aujourd’hui consacre le taux de profit, le taux de croissance  au détriment du bien-être de l’homme.  Alors qu’il suffirait de dire que le plus important, c’est l’homme. Qu’en essayant d’organiser le bien-être physique, intellectuel, moral, mental de l’homme, la société change. La Loi de Tibi dit que plus on augmente la richesse au sommet, plus on élargit son assise de misère absolue. Voilà, c’est ça La Loi de Tibi.


Outremerlemag : Pourquoi avoir créé une compagnie de théâtre ?
Jean-Michel Martial : Quand on fait des sports martiaux, on dit qu’il y a agir et subir. Quand on est comédien, on est dans l’attente du désir de l’Autre. Etre dans le désir de l’Autre, je l’accepte mais ça ne suffit pas. J’aime agir aussi. J’ai une force agissante qui s’exprime. Donc j’ai créé ma compagnie et dans ma compagnie, c’est moi qui propose les projets, c’est moi qui impulse l’énergie. Je suis un créateur. J’ai réalisé deux documentaires, j’ai produit des spectacles, je fais des mises en scène. Je ne suis pas dans l’attente. Je suis dans la liberté et dans la demande des Autres.


Outremerlemag : La création de cette compagnie ne répond t’elle pas finalement à une certaine frustration ?
Jean-Michel Martial : Frustré ? Je suis debout. Je suis un guerrier. Je suis un chef de clan. Je suis naturellement comme ça. Je fais, je propose et si on ne veut pas de moi à tel endroit, je fais autre chose. J’ai cette énergie-là. J’aime la vie, j’aime faire des choses.


La Loi de Tibi de Jean Verdun – Théâtre de Ménilmontant 15 rue du retrait – 75020 Paris. M° Gambetta – Réservation : 01 46 36 98 60 – Représentations : 23 et 30 octobre – 13, 20 et 27 novembre – 4, 11 et 18 décembre à 21 heures.

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