On a l’impression d’assister à la fois à un véritable cours sur la pharmacopée guadeloupéenne, et en même temps à un plaidoyer sur la nécessité de maintenir les richesses de l’environnement au-delà de la région Guadeloupe. Effectivement, le combat du docteur Henri Joseph, pharmacien de son état, et docteur en pharmacognosie (connaissance des médicaments), n’est pas celui du sauvetage de la flore exceptionnelle de la Guadeloupe, mais s’inscrit dans une dynamique beaucoup plus grande : la vie est un miracle permanent, il faut saisir toutes les chances que nous avons à portée de main pour un épanouissement total de notre être.
Miracle, le mot est laché. Ce pharmacien de cinquante huit ans, a échappé, il y a moins d’un an, à un accident de la route, qu’il minimise aujourd’hui. Sa voiture a fait plusieurs tonneaux, tout cela parce qu’il était sous le coup d’une fatigue importante. Henri Joseph ne s’arrête jamais. Pour la Guadeloupe, il est un modèle de réussite. Sous une placidité apparente se cache une vitalité exceptionnelle.
C’est parce qu’il a aimé dès son jeune âge, de façon presque charnelle, le fameux Mondolé, à côté de la commune de Gourbeyre, que le docteur Henri Joseph a vu grandir sa passion pour les plantes. Cette passion, cette obsession lui a permis de surmonter toutes sortes d’obstacles, et lui a permis de monter son laboratoire « Phytobocaz ».
Dans les années 2000, aux Antilles, la prise de conscience du patrimoine naturel est importante. Il faut s’attaquer aux plages du Gosier et de Sainte Anne, rongées par les détritus et les sacs plastiques. Henri Joseph apporte sa contribution à ce combat. Il mise sur une économie durable, l'économie de demain, l'économie naturelle. Il combine sa passion pour les plantes et son engagement pour la préservation de la biodiversité en Guadeloupe et fonde l'association "on pannyé on kwi pour sauver ton archipel". Il remplace les sacs plastiques par des paniers à fruits faits avec des lianes issues de la biodiversité Antillaise (pomme-liane, zéla-ravèt, lyan siguine). Ce projet répond à une actualité brulante : la loi sur la suppression des sacs plastiques dans tous les commerces de France, entrée en application en janvier 2010. S'aidant à la fois du savoir-faire des vieux vanniers guadeloupéens et de la technique européenne de l'Ecole des Vanniers de France, Henri Joseph réunit les différences culturelles autour d'un projet unique en son genre. Depuis 2010, Henri Joseph a déjà recruté une vingtaine de jeunes vanniers. Le projet du docteur a pour vocation de sauvegarder le métier de vannier en donnant des perspectives de développement économique à des jeunes issus de milieux défavorisés. En créant de l'emploi pour les générations futures, Henri Joseph prouve que l'économie de demain est celle qui s'appuie sur les ressources naturelles.
Des années plus tard, ce sont les sacs à dos des rastas, fabriqués avec des calebasses, qui vont pousser ce savant pédagogue à aller plus loin dans la notion du « réutilisable ». Il trouve dans ce grand fruit sec une quantité infinie d'usages possibles. En effet, la calebasse regroupe 40 variétés différentes, de toutes formes, de toutes tailles. Ce faisant, il taille d'une façon intelligente ces fruits, de manière à se constituer une panoplie de vaisselle, de sacs, de sacs à dos. Puis, à la manière des poupées russes, il imbrique ses créations les unes dans les autres de sorte que le transport de ces objets puisse être pratique et confortable. Le projet "Sac Gwad Ecolo" (Sac Guadeloupe Écologique), s'intègre parfaitement dans le quotidien des guadeloupéens qui déjeunent souvent à l'ombre des arbres tropicaux. Plus de sacs plastiques, plus de débordement de poubelles, les plages ont désormais bon espoir d'être à nouveau propres et sans déchets. De ce concept intelligent est née une véritable filière de dépollution.
Mais là ne s’arrête pas le docteur Henri Joseph. Il ne veut pas être seulement que « l’inspecteur Gadget ».
On a l’habitude, une fois la calebasse, coupée en deux, d’en faire ce que l’on appelle des « couis » et de jeter l’intérieur de la calebasse. Notre docteur a fait expertiser scientifiquement les éléments chimiques qui composent le fruit du calebassier.
Ses recherches se sont révélées satisfaisantes. La pulpe de calebasse une fois fermentée se transforme en alcool. Utilisé à diverses fins, c’est un élément énergétique mais aussi un solvant. Par ailleurs, il trouve dans la graine de calebassier, ce qui permettra de produire de l’huile de calebasse qu’il associe à l’huile de galba, un antioxydant très puissant. En puisant ainsi dans les différentes ressources que lui offrent les calebasses, le docteur Henri Joseph met en lumière la richesse extraordinaire de la nature.
Cet homme se définit comme un "éveilleur de consciences". Il montre que miser sur la nature, ce n'est pas revenir sur de vielles lunes, mais au contraire, c'est faire un pas de géant vers un monde propre.




