Pour bien comprendre pourquoi ce secteur est aussi sensible, nous devenons revenir sur le marché particulier de l’essence aux Antilles-Guyane.
C’est en 1969 que la Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles a été crée par la volonté du Générale de Gaulle afin d’assurer l’indépendance énergétique des Antilles et permettre le développement de la Guadeloupe et de la Martinique, puis à partir de 1982 en Guyane. Elle a été lancée par les deux groupes pétroliers français de l'époque, Elf et Total, en association avec les groupes étrangers : Shell, Esso et Texaco2. Les actionnaires sont à ce jour Total (50 %), Rubis (24 %), Esso (14,5 %), Texaco (11,5 %).
La situation historique et la situation démographique ont créé un modèle économique surprenant dans une économie libérale. Ainsi, un seul opérateur économique privé, sans concurrence, se voit garantir sa marge par l’Etat : 8% qui après de savants calculs montent à 12% !
Le décret du 8 novembre 2010 fixe son cadre de fonctionnement économique, et permet aux trois préfets de région (Martinique, Guadeloupe et Guyane) de fixer le prix maximum sortie SARA commun aux 3 DFA. Un arrêté préfectoral permet de publier la structure des prix des produits administrés, et fixer le prix maximum de vente en station service (Rien n’interdit de vendre en dessous du prix maximum ce qui n’arrive jamais.)
La réalité est tout autre, la SARA fait parvenir un communiqué pour justifier le prix fixé à chaque préfecture qui est se contente de signer un arrêté mensuel. Ce qui permet à la SARA de parer à toutes critiques sur le tarif exorbitant : « C’est l’Etat qui fixe les prix ».
Ainsi, alors que dans la zone Caraïbe se trouvent plusieurs pays producteur et que les prix à la pompe sont modiques, ceux fixés dans les Antilles, Guyane sont semblables à ceux de l’Hexagone.
Il faut aussi comprendre que Total l’actionnaire majoritaire de la SARA est aussi l’enseigne majoritaire des 107 stations de la Guadeloupe. Les gérants de station et les pétroliers quoi qu’ils en disent sont intrinsèquement liés. Ce qui nous mène aux causes du conflit.
L’actuel Ministre des Outremers, déjà en tant que député s’était prononcé en particulier lors de la grève générale de 2009 pour un dispositif plus transparent de fixation des prix, on se rappelle son rapprochement (vain) avec le Vénézuela voisin.
C’est dans ce contexte que s’ouvre les réunions sur le projet de décret, pour lequel aucune date n’est fixée. Mais tout de suite, comme ils ont pris l’habitude de le faire dès que les intérêts du secteur sont en jeu, les gérants menacent de bloquer leur département et finissent par le faire. Leur activité n’est en aucun cas en péril, leur marge est toujours garantie, les salaires des pompistes ne sont pas en danger. Le ministère souhaite tout simplement que les acteurs du secteur précisent leurs marges en justifiant les prix évoqués. Et c’est là qu’on voit bien que c’est surtout la SARA que pourrait gêner ce décret.
L’objectif du ministère étant clairement de faire la transparence sur le sujet pour obtenir des prix plus bas (et plus en accord avec la zone) pour les consommateurs finaux.
Ce bras de fer est surtout une tentative de faire échouer toute évolution dans le secteur des carburants. Les gérants de station-essence et la SARA sont bien conscients de leur position stratégique. On se rappelle qu’en 2009, ils avaient obtenus qu’il n’y ait plus de nouvelles implantations de stations. Aucun opérateur économique privé dans un marché libéral ne pourrait demander cela dans une situation normale. La libéralisation impliquant la concurrence.
L’opacité est néanmoins légion dans le secteur pétrolier. La libre fixation des prix et la multiplicité des opérateurs dans l’Hexagone montre bien que c’est rarement le consommateur final qui en profite.
Néanmoins, il est effarant de voir avec quelle facilité un corps de métier aussi sensible peut se permettre même pour une menace non avérée et non urgente de faire fi du reste de la société pour bloquer les économies de 3 départements avec le soutien des organisations syndicales patronales et le silence assourdissant de la majorité des élus (la plupart réagissant uniquement pour réclamer la réquisition d’une station dans leur commune).
En attendant la prochaine saute d’humeur, nous devrions peut-être nous réjouir de la baisse annoncée du carburant en Juillet 2013, une baisse faramineuse de 1 cent.




