Économie

jeudi, 07 mars 2013 05:00

Le développement endogène, un concept à nuancer

Depuis les importants mouvements sociaux qui ont paralysé les départements et collectivités d’Outre-mer en 2009, le concept de développement endogène est revenu chez nos politiques comme un leitmotiv. Le Président Nicolas Sarkozy en avait fait la colonne vertébrale de son programme politique pour l’Outre-mer, jusqu’à nommer en 2010 trois commissaires chargés de son application.

Le développement endogène se définit comme ce qui est produit par la collectivité elle-même en dehors de tout apport extérieur, par opposition au développement exogène. Il s’agit d’une théorie économique et sociale développée à la fin des années 1950 par deux hommes, John Friedmann et Walter Stöhr. Cette doctrine basée sur le volontarisme conçoit le développement (économique et culturel) comme une démarche partant du bas, le niveau local, et privilégiant les ressources locales dites endogènes (ou « péi » aux Antilles).

Au lendemain de 2009, dès son utilisation pour les Outre-mer, cette théorie s’est vue affublée de tous les maux. D’abord à cause de sa consonance : « endogène » résonne comme « indigène », ce qui sémantiquement était fort mal venu compte tenu du passé esclavagiste de la France. Ensuite d’aucuns ont évoqué le risque d’une République à deux vitesses ; en effet pourquoi demanderait-on aux départements et collectivités d’Outre-mer ce que l’on n’exige pas de l’Ardèche ou du Cantal…voire de la Corse ? Tout donneur de leçon se doit d’être exemplaire. Pouvait-on raisonnablement stigmatiser le manque d’initiative des Outre-mer lorsque le phénomène de désindustrialisation qui touche l’Hexagone s’est traduit par un recul de l’emploi industriel en France (- 36 % des effectifs entre 1980 et 2007, soit 1,9 million d’emplois, sources Les Cahiers de la DG Trésor – n° 2010-01 – Juin 2010).

C’est la parabole de la paille et de la poutre : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi ! »

Le « consommez français », « consommez péi » oui, mais à condition qu’il ne s’applique pas de manière discriminante au sein de la République.

S’il est nécessaire de traiter l’ensemble des collectivités selon le principe d’égalité, il est une réalité qu’il ne faut pas négliger, celle de la distance qui sépare les Outre-mer de l’Hexagone, majorant les prix de vente au consommateur (transport, assurance, octroi de mer…) et partiellement responsable de « la vie chère ». C’est pourquoi les Outre-mer ne doivent pas seulement se poser la question du développement endogène mais également envisager de diminuer leur dépendance à l’égard de l’Hexagone en développant leurs relations avec les pays de proximité immédiate (Amérique du Nord, sous-continent américain, Chine…).

Aussi faut-il nuancer le concept de développement endogène qui fait largement appel au volontarisme local. Si la consommation de produits locaux est salutaire pour l’économie de nos territoires, elle ne doit pas pousser au nombrilisme. C’est d’ouverture que les Outre-mer ont besoin, et dire le contraire c’est nier la mondialisation. Convenons donc que le développement endogène seul ne suffit pas. La révolution se fera lorsque les Outre-mer auront conscience de leur accès à l’international sans forcément passer par l’Hexagone.

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