Absurde exercice ? Manie de scientifique ? Pas du tout. Au moment où se pose la question de la valeur de la biodiversité, de la captation du carbone et de sa rémunération, il était temps d’en savoir un peu plus. Si l’on veut protéger, il faut savoir, et connaître ce que l’on protège. « Le plus grand puits tropical de dioxyde de carbone de la planète était un trou noir pour les écologistes et les conservateurs qui ne pouvaient pas savoir quelles espèces d'arbres risquaient le plus de disparaître », explique Nigel Pitman, un scientifique du Field Museum, le Musée d'Histoire Naturelle de Chicago, un des auteurs de cette inventaire forestier.
Comment ont-ils fait pour inventorier un tel territoire ?
Les Guyanais connaissent bien les méthodes de comptage. Depuis des années, les ouvriers surinamiens (les plus aptes à reconnaître les essences) forestiers du CIRAD et de l’ONF, se plient à cet exercice. Quiconque les a suivi a encore dans l’oreille les chapelets de chiffres qui s’égrènent et se répondent en échos sous la canopée : espace, volume, hauteur du tronc... Autant de données qui ont permis, à partir de 700 000 arbres cartographiés, d’extrapoler via les statistiques pour parvenir à ce chiffre de 390 milliards.
D’autres confirmations nous ont été données :
La forêt n’est pas l’enfer vert qu’on nous décrit. On y compte à peu près 500 arbres à l’hectare comme dans les forêts tempérées et on s’y promène loin des ronces. Les zones ne deviennent touffues que lorsqu’elles ont été soumises à des chablis (éclaircie due à la chute d’un vieil arbre) ou au défrichement humain ou encore dans les zones de marécages.
Quant aux espèces recensées : peu de surprise, il y en aurait 16 000, quand on en connaît déjà 12 000. Mais plus étonnant, 227 seulement représentent à elles seules moitié des arbres. La plus grande diversité est fragile, faite d’arbres isolés, rares. « Du fait de leur répartition très limitée, ces espèces sont extrêmement menacées par la déforestation et risquent de disparaître avant même d’avoir été observées et décrites », s’inquiètent les auteurs.
Ils ne savent pas encore d’où vient l’ « hyperdominance » des trois espèces les plus courantes parmi lesquelles des palmiers, des Myristicaceae (famille du muscadier) et des Lecythidaceae (famille du noyer du Brésil). « Nous pensons que ce sont des arbres plus résistants aux ravageurs, que ce soit des champignons, des insectes ou des maladies. Mais cela reste à prouver » explique Daniel sabatier chercheur à l’IRD. Bien des secrets restent à percer.
Pour rappel sur Outremer le mag'
Le film: il était une fois la forêt sera sur les écrans à compter du 13 Novembre.