C’est beaucoup plus que les ratios habituels dans le secteur du logement. L’initiative de CBo est doublement précieuse. Elle intervient dans un petit pays pressé par la dynamique de sa démographie. Les Réunionnais seront 1 million en 2030, c’est à dire dans une génération. Par ailleurs, l’activité est très polarisée dans les centres urbains et le besoin de proximité s’impose. Chaque jour l’accès aux centres urbains, particulièrement à Saint Denis, est un casse tête pour des milliers de salariés. La réappropriation de l’espace est cruciale. Dans les régions ultramarines, toutes dominées par les mêmes phénomènes d’éparpillement de l’habitat et de concentration de l’activité, de nouvelles stratégies urbaines permettraient de réduire ce que les économistes appellent des externalités négatives : pollution, heures de travail détruites, surcoûts des modes de transport. Le chantier réunionnais est une première étape. Il a donné lieu à la mise au point d’une nouvelle ambition urbaine : repartir de la nature et de l’environnement pour concevoir une ville ex nihilo. Les eaux de pluies seront collectées, les aérations seront naturelles, les modes de transport doux. La ville tropicale durable de demain a été pensée en fonction de la géographie et des climats, elle a été conçue pour faciliter la vie de ceux qui la peupleront. Elle n’a pas été bâtie sur un projet de défiscalisation. Enfin (!) diront les réalistes, nous partons des besoins des populations et non des projets d’opportunité fiscale. Partout dans le monde, des chantiers de villes durables sortent de terre. En Allemagne, aux Etats Unis à Portland dans la capitale de l’Oregon où le premier immeuble 0 rejet a été construit en centre ville. En Outremer, cependant, la question des modèles durables se heurte aux contraintes financières. Une faiblesse peut toutefois devenir une force. Les immeubles ou les maisons individuelles tropicales durables seront des bâtiments d’assemblage, un peu comme des Légos ou comme des meubles IKEA. Pour changer les prix, il faut aussi changer le modèle. Moins de béton, plus de métal et de fibres locales, plus résistantes, moins poreuses et plus isolantes. La ville tropicale n’est pas une ville européenne. Dans des pays contraints par la géologie, soumis aux risques sismiques, l’assemblage est comme au Japon un choix dicté par la raison et l’efficacité. Habitat souple, flexible et modulable, l’habitat tropical du 21e siècle est une révolution. Il trouvera sur sa route le puissant lobby des bétonneurs soucieux de maintenir leur suprématie dans les métiers du bâtiment. La crise économique durable que traverse l’Europe et les régions d’Outremer pèse sur les grands secteurs. Aussi, pour réussir à loger tout le monde, il faudra construire moins cher, sans renoncer ni à la qualité ni à la sécurité. C’est paradoxalement en Outremer que les logiques de standardisation et d’industrialisation sont les plus pertinentes. Des cabinets d’ingénieurs travaillent sur un modèle de production de segments intégrés (avec les huisseries et les accès aux fluides). Les maisons de demain seront plus sures, plus confortables, plus rapides à construire. La ville tropicale durable de demain est un atout décisif pour le rayonnement des outremers. C’est aussi un formidable gisement d’emplois nouveaux. Et particulièrement d’emplois valorisés et qualifiés.




