Outremerlemag : Quel est votre état d’esprit à la suite de votre réélection à la tête de Les Républicains ?
Sonia Petro : Je suis dans un esprit de combativité avec de nouvelles personnes, armées de convictions et surtout qui ne changent pas au gré du vent. Nous avons subi un choc après l’élection présidentielle, la posture d’Emmanuel Macron muselait les partis politiques traditionnels. Toutefois, nous sommes toujours debout. Je suis dans le même état d’esprit qu’en 2016, c’est-à-dire ancrée dans une volonté de reconstruire.
OLM : Dans ce contexte, comment arriver à rassembler les électeurs ?
S.P : On ne peut pas rassembler ceux qui n’ont pas envie d’être ensemble. J’ai le souhait de rassembler des personnes qui partagent nos valeurs et qui ont envie que nous fassions cause commune. La porte du parti a toujours été ouverte et le reste. Mais je n’admets pas que ceux qui nous ont trahis viennent nous dire comment on doit fonctionner. Ça n’est pas possible ! Certes la droite a pendant longtemps servi de variable d’ajustement de la gauche. L’électeur a été un peu balloté et ne savait pas trop à quoi s’en tenir. Partant de cela, le rassemblement doit se faire sur un socle de valeurs communes. Historiquement, il y avait une forme de RPR au niveau local. A l’avènement de l’UMP, certains ont monté “Objectif Guadeloupe” et ont bloqué toute représentation locale au niveau du parti. Et c’est la source de nombreux problèmes. D’ailleurs, ce sont peut-être ces mêmes personnes qui ne veulent pas que Les Républicains en Guadeloupe puissent prospérer. J’espère qu’au fil du temps les choses vont changer.
OLM : Quel est votre plan de bataille concernant les prochaines échéances électorales que sont les Européennes de 2019 et les municipales de 2020 ?
S.P : Tout d’abord il faut savoir que je ne suis pas seule dans cette bataille. Notre plan d’action est élaboré avec les membres du parti. En ce sens, je suis très attachée à la formation des militants et des élus sur l’univers de la politique mais surtout les grands problèmes de notre société. Ils doivent apprendre à en parler. J’ai axé ma campagne sur trois mots qui, pour moi, sont inviolables : la clarté, la cohérence et les convictions. Quand on est cohérent, quand on est clair dans ce que l’on dit et quand on a des convictions, quoiqu’il puisse se passer, on continue d’avancer au sein de sa famille politique. Après on peut vouloir faire changer les choses de l’intérieur, mais on ne va pas se vendre au plus offrant.
OLM : Les Européennes sont-elles des élections importantes pour la Guadeloupe ? Que pensez-vous de la circonscription unique pour l’Outre-mer ?
S.P : Je ne suis pas contre cette circonscription unique à défaut de l’ancien modèle très difficile à décrypter. Je m’explique. Dans certaines circonscriptions, quand un candidat guadeloupéen faisait un bon score il n’était pas forcément élu en bout de course. Dès lors, on peut comprendre la démobilisation des électeurs. De plus, cela n’aide pas la population à se sentir plus proche d’une Europe qui intervient pourtant en permanence dans leur vie. Sans les fonds européens nous aurions beaucoup de mal à mener certains projets. Il faut aussi arriver à faire remonter la voix des Outre-Mer jusqu’à Bruxelles. Car c’est là-bas exclusivement que se règlent certaines de nos problématiques : l’octroi de mer, les quotas sucriers, les Limites Maximales de Résidus (LMR) pour le chlordécone, les zones de délimitations pour la pêche, etc. Quand on comprend cela, on comprend aussi à quel point la démarche qui consiste à se déplacer à Paris pour expliquer nos problématiques à des Ministres est vaine. Tout l’enjeu est à Bruxelles. Honnêtement lorsque j’ai appris ce qui a eu lieu concernant les LMR du chlordécone dans les aliments, je me suis demandé s’ils étaient conscients de ce qui se passait chez nous. Ce qui s’est déroulé est inique.
OLM : La population en Guadeloupe est vieillissante. Les partis politiques et les candidats suivent la même logique, que faire pour attirer les jeunes en politique et notamment dans votre parti ?
S.P : C’est une épée de Damoclès qui pèse sur nos têtes, puisque rien n’est fait pour garder nos jeunes. Je le reconnais, je n’ai pas encore la solution miracle mais c’est évident, il faut renouveler cette classe politique. Pendant trop longtemps, les responsables ont tout fait pour empêcher les jeunes de s’engager dans un monde qu’ils ont considéré comme leur chasse gardée. Aujourd’hui, certains sont sur le départ, parfois sans aucune relève. Enfin, il est de plus en plus clair qu’il y a plus de sacrifices que d’avantages à être engagé dans la vie politique. Du coup, ceux qui pourraient être intéressés hésitent. On se rend bien compte que le véritable défi - plus que le changement institutionnel - est celui du renouvellement de la classe politique. Et c’est à nous qu’il incombe de le prendre à bras-le-corps.
OLM : Quel est la méthode Pétro, y a-t-il une patte Sonia Pétro ?
S.P : C’est clair que je suis sans langue de bois. Certes, je mets toujours les formes lorsque je parle, mais je suis très directe. J’ai toujours pensé qu’il faut avoir un langage de vérité avec la population pour la mettre aussi en face de ses incohérences. Ici (en Guadeloupe, NDLR) nous critiquons souvent les élus et cela je l’entends car c’est souvent justifié. Mais en même temps, ce sont les mêmes personnes qui vont frapper à la porte du maire et qui lui disent de les embaucher comme si la commune était une annexe de Pôle emploi. Donc le clientélisme qui existe chez nous perdure depuis des années, en partie parce que la population en bénéficie. Il y a une mentalité à changer, et cela, des deux côtés.
OLM : Le négatif est toujours plus visible que le positif, néanmoins quelles sont les initiatives qui vous donnent du baume au cœur ?
S.P : Quand je vois les combats que mènent Henri Joseph, Suzie Zozio, Paméla Obertan, celui d’une agriculture saine, je me dis que tout n’est pas perdu. On a un génie guadeloupéen, mais il faut l’aider à se développer. Je pense également au prix Nobel qu’a reçu Maryse Condé et surtout à ses propos lorsqu’elle a déclaré qu’elle était fière que l’on parle de la Guadeloupe pour autre chose que pour les cyclones. Donc pour des personnes comme Maryse Condé, nous devons nous battre, être là pour ce territoire. A ce propos, je me remémore souvent ces vers de Guy Tirolien : " Nous unirons nos voix en un bouquet de cris à briser les tympans de nos frères endormis (…) Mais forts de la nudité riche des peuples sans racine, nous marcherons sereins parmi les cataclysmes ". Ces mots nous en disent énormément sur nous, tout en nous donnant la force d’avancer, ensemble.