A 81 ans, et malgré une maladie qui la ronge, Maryse Condé reste la même femme au parler franc, au parler réel. A l’annonce de sa récompense, elle s’est dite « très heureuse et très fière de recevoir ce prix » et puis, elle tenu à remercier la Guadeloupe. « Permettez-moi de le partager avec tous les gens de la Guadeloupe, » et de continuer, « nous sommes un petit pays et on n’attache pas beaucoup d’importance à nous. On parle de nous lorsqu’il y a un cyclone, un tremblement de terre. Maintenant, on va en parler pour de bonnes raisons. » Cette pensée pour la Gudeloupe, traduit bien la réalité des îles françaises, si proches et si lointaines à la fois de la Capitale des décisions.
Surpasser le scandale
Alors que le prix le plus prestigieux du monde est embourbé dans une salle affaire d’abus sexuel, la nouvelle de la sélection de l’auteure Guadeloupéenne a presque éclipsé le scandale. Depuis le 12 octobre la native de Pointe-à-Pitre tout comme Saint John-Perse, Prix Nobel de littérature en 1960, a braqué les yeux du monde entier sur la Guadeloupe. Au-delà de sa vie extraordinaire dont son œuvre littéraire est le reflet, Maryse Condé a permis de faire avancer la pensée humaine. L’Académie a tenu, par ce prix à « récompenser une auteure qui décrit les ravages du colonialisme et le chaos du post-colonialisme avec un langage à la fois précis et écrasant. » Maryse Condé a, par sa trentaine de romans, permis de faire avancer le monde. Elle cadre donc parfaitement à l’esprit d’Alfred Nobel lorsqu’il a déposé les conditions d’attributions de son prix : « le récipiendaire doit avoir rendu un service à l’humanité, permettant une amélioration ou un progrès formidable ».
Dons pour la Guadeloupe
Si Maryse Condé réside aujourd’hui à Gordes dans le Luberon, elle reste très attentive aux problématiques Guadeloupéennes. En témoigne son lègue, en 2007, à la médiathèque Caraïbes Bettino Lara à Basse-Terre de sa collection personnelle des livres qui ont inspiré sa pensée. Enfin, en 2018, elle donne à l’Université des Antilles, des œuvres inestimables. Le tapuscrit original de son premier roman inédit Les Pharisiens, ainsi que plusieurs brouillons, tapuscrits également. Ces œuvres, toujours en cours de numérisation, pourraient être disponibles sur le portail numérique Manioc d’ici la fin décembre. Autant de pièces du puzzle “Condé” retournées à la trame d’origine.
Maryse Condé est née Marise Boucolon le 11 février 1937 à Pointe-à-Pitre.Elle a étudié à la Sorbonne où elle apprend notamment l'anglais, avant de vivre en Afrique, d'où elle a tiré l'inspiration pour son best-seller : Ségou (1985). Elle a écrit de nombreux romans, dont Moi, Tituba sorcière (grand prix littéraire de la Femme, 1986), La vie scélérate (prix Anaïs-Ségalas de l'Académie française, 1988), Le coeur à rire et à pleurer (prix Marguerite-Yourcenar, 1999). Elle a enseigné la littérature à l'université de Columbia.En 1993, Maryse Condé a été la première femme à recevoir, pour l'ensemble de son œuvre, le prix Putterbaugh décerné aux Etats-Unis à un écrivain de langue française. En 2004, elle devient la présidente du Comité de mémoire de l'esclavage.
Pour aller plus loin :
Maryse Condé : Une voix singulière un film deJérôme Sesquin écrit par Françoise Vergès.
Les réactions :
Outremerlemag se joint à l'écho international, pour féliciter Madame Condé, contemporaine, alerte et engagée. Son courage et sa posture devraient ouvrir la voie à l'espérence des générations et la reconnaissance de l'immensité de son être.