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samedi, 02 novembre 2013 06:55

Marjorie Muray-Motte, l’Outre-mer a sa diva ! Spécial

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Tout chez elle semble à la fois délicat et suranné. Son éducation exigeante et élitiste est celle d’un autre temps. Celui des précepteurs et des cours faits à la maison. Marjorie Muray-Motte est cantatrice et martiniquaise par sa mère  elle est de la lignée de Grace Mumbry, Jessy Norman…

Rencontrer Marjorie Muray-Motte, c’est rencontrer plus qu’une cantatrice. Marjorie Muray-Motte est une diva. Autant dire un être indicible. Sa beauté physique est manifeste mais curieusement ce n’est pas elle qui saute aux yeux. C’est précisément ce qui ne se voit pas, ce qui est subtil, insaisissable qui la définit le mieux. Michel Berger disait de Ella Fitzgerald qu’elle « avait ce petit supplément d’âme que d’autres non pas. » C’est donc ça, qui fait les divas et qui leur donne une dimension supplémentaire.


Outremerlemag : Les premières années de votre enfance sont marquées par l’étrangeté de votre  éducation…
Marjorie Muray-Motte : « J'ai un parcours atypique (…). Au départ, mes parents avaient pris la décision de nous élever, mes deux sœurs et  moi, selon la méthode "Montaigne". Ce qui veut dire que nous n'allions pas à l'école comme les autres enfants, et ce jusqu'à la classe de sixième, nous  avions des précepteurs qui venaient à la maison. Ma grand-mère est rentrée dans la clique, elle nous enseignait les mathématiques. Papa et maman quant à eux, nous enseignaient toutes les autres matières dont les matières littéraires. Et pour que nous ne soyons pas coupées du reste du monde, nous avions des cours obligatoires, comme le judo et l’équitation plusieurs fois par semaine (…) et nous avions aussi un instrument de musique obligatoire, ainsi que  la danse classique à  Pleyel* dès l’âge de 4 ans »

Outremerlemag : Votre entrée en classe de sixième a été déterminante. D’une certaine façon, elle a scellé votre destin…
Marjorie Muray-Motte : A mon entrée en sixième au collège Chaptal ma grand-mère m’a offert « La flûte enchantée » de Mozart pour enfant. Une version un peu édulcorée avec tous les  premiers  degrés bien expliqués aux enfants. Pas le parcours initiatique, on le  comprend  après. Du coup, je suis tombée amoureuse, ce fut alors l’élément déclencheur. J’ai souvenance d’avoir appris des opéras par cœur. Mes parents me disent qu’alors que les autres jouaient aux mécanos ou aux LEGO et à la poupée, moi, j’apprenais des disques par cœur. De facto lorsque je suis rentrée en sixième à la maitrise de Radio France. J’y suis rentrée parce que ma grand-mère y avait enseigné. J’avais des appétences pour la musique, c’est vrai. Je connaissais une tonne d’opéras, je connaissais les voix d’hommes, les voix de femmes, les chœurs. J’étais à moi seule un opéra. Les opéras étaient mes poupées à moi. »

Outremerlemag : Comment êtes vous devenue chanteuse d’opéra ?
Marjorie Murray-Motte : Je suis restée l’année de  sixième à Radio France, le Chef de polyphonie  Denis DUPAYS  aurait dit à mes parents que ma voix était déjà trop large, elle couvrait le chœur. Je risquais d’être étouffée, de ne pas m’épanouir. Il valait alors mieux que je prenne des cours privés. Donc, j’ai continué une scolarité normale avec l’allemand en première langue l’anglais  en deuxième langue, l’italien troisième l’espagnol etc comme je savais que je devais chanter…

Outremerlemag : Pour être cantatrice la maitrise de langues étrangères est-elle indispensable ?
Marjorie Murray-Motte : Oui, comme je disais à mes parents que je serai cantatrice, même si cela les faisait doucement rigoler, ils veillaient tout de même, à ce que mon éducation soit en adéquation avec mes aspirations.
J’ai donc continué les cours privés avec une grande cantatrice, Inva Moula.
J’ai pris des cours avec  elle jusqu’à ce que je rencontre Molière Atthalys à 14 ans.



Il faut savoir que l’opéra est un sport. On apprend à chanter l’opéra avant d’avoir mué. Les voix muent vers 21 ans  et même pour les filles. C’est à partir de cet âge là que les voix se développent et que l’on se prépare véritablement.

Lorsque j’ai rencontré Molière j’avais déjà la voix faite, la voix très développée. Molière m’a donné des cours et, très vite dès 14 ans j’ai commencé à donner des concerts, des récitals. Grâce à lui j’ai donné des concerts en Guadeloupe dans le cadre des festivals de musique classique qu’il organisait.

Ensuite, j’ai donné un premier grand récital à Paris après mon bac littéraire option  musique.
C’est naturellement qu’après mon bac je suis rentrée au CNSM (Conservatoire national supérieur de Musique de Paris)
A la fin de mes études je suis aussi allée à l’Opéra Studio de Munich, j’y ai fait de belles rencontres dont le célèbre Kent Nagano.

Outremerlemag : En quelles circonstances avez-vous remplacé Nathalie Dessay ?
Marjorie Murray-Motte : J’ai été appelée par l’agent de Nathalie Dessay. Elle recherchait une chanteuse en « remplacement ». Nathalie Dessay  était  malade, elle souffrait d’une trachéite par conséquence, elle  ne pouvait, assurer une prestation. C’était un concert de bienfaisance, au profit d’une association de Madame Simone Veil pour la lutte contre le cancer. J’ai donc remplacé Nathalie Dessay qui est venue malgré sa trachéite, me présenter en  tant que jeune artiste.

Outremerlemag : Avez-vous comme souvent les cantatrices une carrière internationale ?
Marjorie Murray Motte : En 2004, j’ai passé un concours international à Bayreuth en Allemagne. Il y avait plus de 5000 participants du monde entier. Je suis arrivée à 9 heures du matin et fus auditionnée à 21 heures (…). Seulement trois jeunes filles ont été retenues et j’en faisais partie. Mon audition était particulière. Ils m’ont fait chanter du Baroque, du Mozart, du Belcanto, toutes sortes de musiques…Ce fut la plus longue audition de toute ma vie !
 Le Président du Jury me dit « Vous n’êtes pas faite pour le troisième rôle, en revanche, si vous voulez le Premier rôle vous l’avez ! » Je n’en croyais pas mes oreilles. Malgré ma très grande excitation, je suis restée calme mais je me disais intérieurement «  yes ! yes ! ».


Outremerlemag : Comment travaillez vous vos rôles ?
Marjorie Murray-Motte : Ma technique pour apprendre un rôle est la suivante : Pendant un mois, j’apprends les textes et la musique. Ensuite le coach se charge de corriger le style, en fonction de l’époque de l’auteur, puis arrive le tour du metteur en scène qui lance les répétitions selon sa mise en scène bien sûr.


Outremerlemag : Vous avez joué dans Aïda…
Marjorie Murray Motte : Mes enfants grandissant, je me suis dit que j’allais rester un peu tranquille en France. J’ai proposé ma candidature aux opéras en plein air.
Pour Aïda, la concurrence était rude, nous avons été deux à être retenues. Une Américaine et moi. Le rôle d’Aïda est lourd et la tournée est également longue. D’où le double casting.
J’ai été auditionnée par Elie Chouraqui et Jacques Blanc et deux autres chefs d’orchestre.
Je me suis réellement investie dans le personnage d’Aïda, car il y a une  vraie similitude entre Aïda et mes ancêtres. En effet, dans ma famille, dont je  porte encore ce bel héritage sur mes traits métissés, une de mes aïeules parfaitement blanche est tombée amoureuse d’un esclave… Elle fut déshéritée et bannie… mais elle ne cessa jamais d’aimer son homme. Donc ce rôle était fait pour moi.

Outremerlemag : Quel est le secret d’une telle réussite ?
Marjorie Murray-Motte : 10% de talents et 200 % de travail

Outremelemag : Pensez-vous qu’il y ait des talents en Outre-mer pour la musique classique ?
Marjorie Murray Motte  : Oui, parce que j’ai pu le découvrir, lorsque j’allais en milieu scolaire en Guadeloupe et en Martinique dans le cadre des festivals organisés par Molière Atthalys. Les jeunes enfants n’avaient aucun mal à apprendre les rythmes et les  rudiments de la musique classique. C’est quasiment inné chez eux. Oui il y a de l’avenir et des talents qu’il faut encourager en Outre-Mer.

Lu 15421 fois Dernière modification le lundi, 04 novembre 2013 10:23
La Rédaction

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