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jeudi, 14 novembre 2013 07:44

Cat Bowring - The Voice Spécial

Écrit par Willy Gassion
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Cat Bowring est auteur et chanteuse de jazz, gospel et pop-rock. L’artiste originaire de Saint-Pierre-et-Miquelon a abandonné la politique pour se consacrer pleinement à sa passion

 

 La voix. Toutes les voix. Avec Cat Bowring, il est toujours question de voix. Celle qui fait d’elle une artiste et celles qu’il lui arrive de solliciter. Dans l’isoloir. La voix. Sa voix, instrument de travail que la jeune femme préserve en buvant un thé dans ce café de l’ouest parisien où elle a ses habitudes. « Je suis née avec une voix naturellement puissante. » Sa voix « puissante » qui délicieusement gronde et un rire. Un rire puissant lui aussi qui souvent ponctue ses phrases. On la fantasme cantatrice. On l’imagine venant d’un pays de feu. Cat Bowring est chanteuse et  vienten réalité des grands froids.Les grands froids d’outre-mer. Ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Simone Schwarz-Bart prétend que  « le pays dépend bien souvent du cœur de l’homme : il est minuscule si le cœur est petit, et immense si le cœur est grand.* » Mais l’inverse est aussi vrai. On est ce qu’est le pays. On est ce qu’il veut bien faire de nous. Ce sont ses paysages qui  façonnent notre personnalité et font notre caractère. C’est le pays et pas seulement les parents qui nous font être. Un archipel d’outre-mer aux paysages souvent enneigées peut engendrer une fille au tempérament joyeux et incandescent. « Pour vivre dans un territoire aussi rude, il faut être débrouillard ». Et « débrouillarde », Cat Bowring  l’est. Assurément. Sa voix dès l’adolescence porte déjà haut. Elle a l’audace et l’impavidité de ses dix-sept ans. Sa voix interroge, revendique, défend. Elle est déjà politique. Sa voix déstabilise. Jusqu’au président de la République de l’époque. Nous sommes en 1993. « Au lycée, j’étais déléguée de classe. François Mitterrand participait à une émission consacrée à l’outre-mer et chaque région ultramarine avait deux représentants qui devaient poser des questions en direct au président de la République via RFO. J’étais la représentante des jeunes de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ma question qui n’était pas celle soufflée par RFO a provoqué une réponse catastrophique de François Mitterrand. Je lui ai demandé quelles  mesures concrètes, rapides et efficaces il proposait pour que les jeunes de ma génération puissent trouver un travail à la hauteur de leurs qualifications. Le soir même, le président du Conseil territorial a proposé pendant le JT une minute de silence au monument aux morts tellement la réponse de François Mitterrand avait été mal perçue. » C’est l’urgence de la vie mais aussi les combats à mener qui poussent  la franco-canadienne vers la politique. Exister face à la France hexagonale, représenter les siens. Etre leur voix. Une fois de plus.  « J’avais le sens du service pour l’intérêt général. Quand il y a des combats à mener j’y vais. »  La jeune femme devient en 2000, collaboratrice parlementaire du député  Gérard Grignon puis celle du sénateur Denis Detcheverry pendant sept ans. L’année dernière en 2012, Cat Bowring se présente aux législatives sur une liste du PRG pour représenter les Français de l’Amérique du nord.

Mais la musique est là. En sommeil depuis l’enfance. « J’ai toujours la musique dans la tête. » Elle est là pendant le lycée et après. A Londres où Cat Bowring prépare une maîtrise de sciences économiques qui ne la passionne guère. « J’ai fait mes études en dilettante, je n’aimais pas du tout ça  parce qu’il y avait l’option banque et finance au programme. Alors je faisais aussi de la musique. »

Quelle voix définit le mieux Cat Bowring ? De quelle voix la jeune femme de 38 ans est-elle faite ? Sa seule voix de citoyenne active, consciente ne suffirait pas à la définir. Lui attribuer cette seule voix comme composante essentielle de son identité serait réducteur et incomplet. Cat Bowring est un personnage complexe. Riche, multiple. Coupez-lui la tête, il lui en poussera une autre. Cat Bowring est une hydre. « Je suis du signe des gémeaux. Je suis double, je suis vraiment  deux et les gens ont beaucoup de mal à me cerner. » Cat Bowring est donc « double ». Politique et artiste. Artiste et politique. Comme d’autres avant elle. « Regardez Gilberto Gil. » Mais il semble que la jeune femme ne soit jamais les deux en même temps. « En ce moment, je suis entièrement chanteuse. J’ai une vraie créativité musicale, je compose, je suis une vraie musicienne. » L’artiste est Stéphanie Bowring quand elle se présente aux élections et devient Cat Bowring quand elle est sur scène. La musique n’est pas un caprice. Ou une distraction. La musique est chose sérieuse et ancienne dans la vie de Cat Bowring. Elle saisit son smartphone et en exhume des photos de famille où on la voit avec les joues rondes de l’enfance déjà entrain de chanter. « J’ai appris à siffler à l’âge de trois ans. »

Cat Bowring  a un regard gourmand sur la musique. Toutes les musiques. Aucune ne semble pouvoir lui résister. Elle passe avec aisance d’un style musical à un autre, « je suis née confie t’-elle avec une oreille musicale. » Sa voix s’accommode de tout : le jazz bien sûr qui lui permet les improvisations vocales dont elle est friande. Mais aussi la folk, le funk, le gospel, le rock… Choisir, c’est renoncer. Pourquoi se limiter quand  la voix permet toutes les audaces, toutes les envolées. La chanteuse est depuis janvier 2013 à la tête d’un quartet de jazz qui porte son nom ; le Cat Bowring Quartet. Elle fait aussi partie d’un groupe de pop rock : Surikat. Et enfin, ubiquiste on la retrouve au sein du TF Gospel. En 2010, c’est avec Surikat que la chanteuse enregistre un album. Le 30 décembre prochain, Cat Bowring sera sur la scène de l’Olympia avec le groupe de gospel dont elle est membre dans le cadre d’un concours. Ils y interpréteront Billie Jean de Michael Jackson dans un nouvel arrangement.

 

L’entretien s’achève et une interrogation demeure. Presqu’un mystère. Pourquoi Cat ? « Je suis née, l’année du chat et j’adore les chats. J’étais aussi amoureuse quand j’étais plus jeune de Cat Stevens, c’est un bel artiste. Je l’ai vu à Bercy, il y a quelques années. J’ai failli m’appeler Catherine dont le diminutif serait Cat et c’est finalement mon frère ainé qui a choisi mon prénom. Et il a opté pour Stéphanie. Et puis, je suis comme les chats quand je fais des voltiges vocales, je retombe toujours sur mes pattes. »

*in Pluie et vent sur Télumée Miracle – Simone Schwarz-Bart éd Seuil – coll Points
Photos : Anne Moyat et Jean-Christophe L’Espagnol

Lu 7758 fois Dernière modification le vendredi, 15 novembre 2013 11:33