Le désir de comédie chez Nathaly Coualy semble lié au temps. Au temps qui passe et qui emporte tout : les envies et les rêves. Le temps qui passe et qui accouche des regrets. Le regret de n’avoir pas osé et celui aussi de ne s’être pas écouté. « Jesuis passée à l’action réellement quand je me suis rendue compte que si je mourais demain, je ne l’aurais pas fait. Je me suis demandé à 40 ans quel serait mon regret ? Et mon regret aurait été de ne pas avoir essayé la comédie, de n’avoir pas été comédienne. » Enfant, Nathaly s’était-elle fait la promesse une fois adulte de devenir comédienne. La fidélité à l’enfant qu’elle a été, en Guadeloupe devant la télé, n’est-ce pas là le mythe fondateur de ses envies de comédie ? « J’ai eu ma révélation quand j’ai vu Fame à la télé, je me suis dit ; c’est ce que je veux faire. Je veux chanter, je veux danser, je veux jouer la comédie. Ça m’a fait le même effet que le gwo-ka, que le bruit du tambour, je savais que c’était là que je devais être. »

Photo© Olivier Allard
Nathaly Coualy pourtant loquace, s’arrête. Elle semble procéder à une introspection, ses yeux colorés cherchent, fouillent et exhument des souvenirs plus douloureux. Des blessures peut-être pas encore cicatrisées. « Je pense que j’avais déjà ce besoin de me détacher de ma réalité. Et ma réalité, je ne la vivais pas avec joie. » Les propos de la comédienne se font énigmatiques mais la jeune femme a recours à l’humour pour éviter toute explication. Elle plaisante : « vous commencez à entrer dans monintimité et il vous faut une autorisation que visiblement vous n’avez pas. » Puis elle se ravise : « il y a dans notre culture une certaine sévérité, une rigidité qui à mon avis n’a pas lieu d’être (…) »
Après le lycée, Nathaly Coualy est tour à tour mannequin « ce n’était pas ma tasse de thé, jene l’ai pas été très longtemps même si j’ai eu une belle carrière avec de sublimes photos faites par de grands photographes », animatrice télé « j’ai suivi des cours de journalisme àNew York », hôtesse de l’air, directrice de casting, bookeuse… et on ne peut s’empêcher de penser que Nathaly Coualy faisait déjà là, l’apprentissage de son métier de comédienne, sans s’en rendre compte, en endossant tous ces costumes, en exerçant tous ces métiers mais la jeune femme réfute l’argument. « Je me cherchais, je cherchais réellement ce que je voulais faire, la comédie était en moi, dans mon corps et pas encore dans ma tête. Je ne voulais pas encore m’avouer ce que je voulais faire. Si j’avais été consciente de ça, je me serais lancé plus tôt dans la comédie. »
Après des années d’errance en elle-même, la jeune femme finit par se trouver et s’ « avouer » à 40 ansce dont elle a envie. Et c’est probablement l’enfant qui était en elle qui la délivre et lui permet la rencontre avec soi. La petite fille qui découvrait fascinée, à la télévision, chez ses parents, en Guadeloupe, le jeu des acteurs dans la série Fame. « J’ai pris des cours de théâtre puis une amie m’a conseillé d’écrire un spectacle et de monter seule sur scène et en descendant de scène pour la première fois je me suis dit ; les miracles existent. Je pensais nepas avoir de mémoire et pendant longtemps, je me croyais incapable d’apprendre un texte, de le retenir et de le restituer à cause de ce que j’avais subi à l’école. » Enfin révélée à elle-même, la jeune femme d’origine guadeloupéenne semble faire du temps son ennemi. Elle n’attend pas que « le téléphone sonne », fait fi de la velléité des réalisateurs et préfère agir. Nathaly Coualy écrit son premier one-woman show « Seule » puis en 2009 « Elle ne fait pas sans blanc » coécrit avec Pascal Légitimus.
Nathaly Coualy est aujourd’hui en pleine « reconstruction ». Le théâtre petit à petit la guérit de ses doutes, de ses peurs et peut-être de ses complexes. Il la guérit autant qu’il l’enrichit. Le théâtre salvateur : « jouer me nourrit, me remplit, ça me plait, ça m’apporte de la joie. » Cette « chabine passée », c’est elle qui se définit ainsi à cause de son teint qui ici à Paris, loin de sa Guadeloupe natale perd son éclat comme un vêtement qu’on aurait trop lavé, a des envies de jeu qui peuvent surprendre. Ne lui parlez pas de Brad Pitt ou de Johnny Depp, elle les trouverait certainement insipides. Ses envies sont ailleurs, d’un autre âge, grisonnantes, à la teinte sépia : « j’adorerais travailler avec Jean Rochefort ou Pierre Richard mais aussi avec Nicole Garcia. Mais bon, il faut être réaliste, je n’attends pas qu’ils m’appellent mais qui sait ça peut arriver. » La comédienne sera sur scène à partir du 25 septembre dans « A l’homme qui m’a donné envie* », une pièce écrite par Stéphane Clerget, le célèbre pédopsychiatre. Elle aura pour partenaires Mike Fédée et Antoine Herbez.
Nathaly Coualy avale son café, regarde l’heure, toujours son rapport au temps, et s’en va. Elle a encore des rendez vous à honorer. Et le temps ne s’est pas arrêté.

*A l’homme qui m’a donné envie avec Nathaly Coualy, Mike Fédée et Antoine Herbez. Une pièce de Stéphane Clerget. Du 25 septembre au 06 novembre 2013 (mardi et mercredi à 21h30). Théâtre Clavel : 3, rue Clavel 75019 Paris (M° Pyrénées). Tél : 09 53 17 99 45
