Les 50 milliards d’euros d’économie annoncés par le gouvernement dans le cadre du pacte de stabilité voté par l’Assemblée nationale vont faire l’objet d’un second débat, car nul doute qu’il y aura une seconde phase d’arbitrage. Le 8 avril, le Premier Ministre Manuel Valls avait déjà annoncé un objectif de 10 milliards d'euros d'économies des dépenses publiques de santé sur les trois ans à venir.
Mais face à la fronde d’une minorité active de députés socialistes – les "41 signataires" –, il est évident que le gouvernement va revoir sa copie. Les revendications des parlementaires sont simples. Il ne faut pas, disent-ils, que ce soit "les plus vulnérables qui soient les plus lésés dans cette affaire !" Qu’en est-il en effet dans le secteur de la santé où l’on retrouve de très fortes inégalités ?
Notre politique de santé est la plus onéreuse des pays de l’OCDE. Certains experts considèrent que l’on ne peut en réduire le coût "qu’à la condition de réduire notre surface hospitalière et d'organiser les parcours de soins à partir de la ville pour les actifs, et du domicile pour les personnes âgées". Il faut investir en amont du risque santé pour freiner le flux des nouveaux patients chroniques.
Or, en la matière, beaucoup d’idées reçues perdurent en dehors de toute réflexion économique. C’est ce même défaut de pragmatisme économique qui aboutit à des décisions aberrantes pour résoudre les inégalités territoriales dans l’offre de certains traitements. Sur ce sujet deux écoles s’affrontent : pour l’une, ce sont les patients qui doivent aller jusqu’aux centres de soins alors que pour l’autre, il faut rapprocher les centres de soins des patients. Plutôt que d’opposer ces deux écoles et de vouloir appliquer une politique uniforme, mieux vaut raisonner en fonction des territoires et des besoins. Est-il cohérent de faire le même choix pour l’Ile-de-France et pour la Creuse ?
De même, on sait que le traitement des cancers par radiothérapie est territorialement inégal parce que certaines zones géographiques sont mieux dotées que d’autres en équipements de haute technicité. Dans les territoires moins bien dotés, les patients sont convoyés jusqu’à plusieurs fois par semaine depuis leur domicile vers le centre de soins par différents moyens de transport, allant du VSL au taxi en passant par l’ambulance, avec des coûts au kilomètre très variables selon le mode de transport.
Dans le même temps, chacun sait que les coûts de transports pèsent beaucoup dans les dépenses d’assurance maladie, comme en témoignent les différents rapports sur le sujet, dont un extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2012 : "ce poste, important en termes d’accès aux soins, augmente systématiquement à un rythme plus soutenu que les autres dépenses de soins et équivaut désormais à lui seul à la moitié des remboursements des consultations des médecins généralistes".
Ainsi pour 300 patients traités sur l’année à raison de 4 séances par semaine sur une distance domicile/centre de radiothérapies de 120 km aller-retour et avec une répartition de 20 % en VSL, 30 % en taxi et 40 % en ambulance, le coût moyen théorique de transport atteint environ 1 million d'euros.
Dans ce cas, n’y aurait-il pas intérêt à équiper certaines régions en centres de radiothérapie plutôt que de continuer à financer un tel coût de déplacement ? En d’autres termes, c’est une économie nette de l’ordre de 1 million d’euros qui pourrait être réalisée sur une année pour la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, sans compter le confort supplémentaire pour des patients particulièrement vulnérables et pour lesquels les transports viennent à peser sur leurs conditions de vie.
Au moment où les pouvoirs publics cherchent à réaliser des économies, il faut changer de paradigme et choisir la solution la plus adaptée en fonction des circonstances. C’est de cette manière que l’on parviendra à rendre la politique engagée vraiment efficace.
L’heure est donc venue de faire des choix éclairés, de renoncer à une politique dogmatique pour éviter de constater a posteriori que certaines mesures auront eu un effet contraire à celui escompté ; bref, il s'agit là d'un véritable défi à relever pour le Ministre de la Santé.