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jeudi, 25 juillet 2013 04:36

Karine Pédurand est à l’affiche à Avignon.. Portrait

Écrit par Laurence Maquiaba
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Elle est –jusqu’au 31 juillet-  au coté de Jean-Michel Martial pour défendre « La Loi de Tibi » (http://www.avignonleoff.com/programme/2013/public/L/la-loi-de-tibi-10853/lieu/chapelle-du-verbe-incarne-1156/) au Festival d’Avignon ; Karine Pédurand est une artiste guadeloupéenne à ne pas perdre des yeux.  Si son énergie ne laisse pas indifférent, c’est la sincérité et le courage avec lequel elle mène de front ses projets qui frappe.
Outremer Le Mag profite de l’occasion pour vous la présenter.

Outremer Le Mag :"Jouer la comédie" est une expression péjorative en particulier pour les antillais. Comment vous est venue cette passion? Comment votre famille a réagit quand vous avez exprimé le désir de suivre cette voie.
Karine Pédurand : Il est vrai que nos sociétés voient encore d’un œil particulier le fait de gagner sa vie en étant un autre sur une scène !! Mais je crois que cela tend à bouger, et je sens venir un changement de mentalité sur nos arts. Doucement mais sûrement !?Le théâtre s’est imposé à moi en fait ! J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour les gens de théâtre. Je trouvais ça magique ! Mais je n’y avais jamais pensé comme d’une possibilité de métier, et même en tant qu’amateur, ça ne m’était pas passé par l’esprit. Il faut dire que j’ai beaucoup dansé (chez Léna Blou, notamment au sein de la compagnie semi-professionnelle « Entre-Deux »), et du coup, mes envies de scène s’assouvissaient là. À ce moment de ma vie, j’avais un autre métier, je bossais dans la com et l’évènementiel.
C’est un ami, qui pensait que je pouvait « être intéressante sur scène » !!, qui m’a poussé à participer à un stage de théâtre en 2005 avec Antonio Diaz Florian, directeur du théâtre de l’Épée de bois, à la Cartoucherie de Vincennes. J’ai adoré ça! J’ai aimé ce travail là. Et puis, je ne sais pas pourquoi, Antonio a voulu travailler avec moi, mais à  l’époque je n’était pas prête. C’est avec Alain Verspan, comédien et metteur en scène guadeloupéen que le déclic s’est vraiment créé. C’est avec lui et grâce à  lui que mon amour pour le théâtre s’est vraiment déclaré.?L’amour, l’envie, le besoin de scène grandissant, la question de la formation s’est vite posée. Je suis d’abord partie à  New York en 2008, pour avoir une première expérience de formation, différente. Et puis, j’ai pris la décision de venir à Paris en 2010. Entre temps, j’ai pu avoir mon premier rôle en tant que comédienne pro dans « Conte à mourir debout » de Frantz Succab, auteur guadeloupéen.?Ça n’a surpris personne chez moi, quand j’ai décidé de devenir comédienne ! Il leur semblait que c’était une suite logique. Et puis, il y a déjà un autre saltimbanque dans la famille !! Alors, un de plus !!



OLM : Aujourd'hui, après avoir brillamment passé le conservatoire (avec les Félicitations du jury !), vous êtes basée à Paris, comment se déroule votre carrière? Comment la profession accueille une jeune comédienne noire?
KP : Je tiens d’abord à préciser qu’il s’agit du conservatoire régional de Bobigny, et pas le conservatoire national supérieur de Paris, comme cela a pu être dit !! Çà n’est pas la même chose !! Mais j’ai tout de même eu les Félicitations du Jury !!! ?Je suis effectivement basée à Paris depuis 3 ans. Ma carrière démarre doucement. Depuis peu, j’ai un agent, avec qui on fait du bon boulot. Ça n’est pas toujours évident pour les comédiennes noires en France, mais elle croit en moi, et je lui fais entièrement confiance pour la suite. Si la profession ne me connaît pas encore tout à fait. Mais on travaille pour que ce soit le cas ! Mais ce n’est surtout pas évident pour les comédiennes en général, les garçons ont plus de succès dans nos métiers.
Je tâche surtout d’être reconnue en tant que comédienne et pas uniquement en tant que comédienne noire.

OLM : Vous avez  participé a plusieurs projets très hétéroclites : de la présentation en télévision, en passant par la danse, voire de la figuration au cinéma; quelle a été pour vous l'expérience la plus porteuse?
KP : Dans une certaine mesure, les expériences que j’ai pu vivre ci et là ont toutes été porteuses. J’ai beaucoup dansé, du coup, la rigueur, la disciple, la concentration que demande la TV, le Théâtre ou le Cinéma, étaient déjà là. Je suis riche de chacune de ces expériences.
C’est vrai que jouer à coté de Kévin Costner, même quand on a un rôle minuscule, c’est terriblement gratifiant. Ce sont des gros plateaux, avec des équipes énormes, beaucoup de matériels mais également d’énergies mobilisées. Et puis, Costner a une telle présence, une telle force d’esprit, une telle générosité. C’est touchant.
Jouer Mara sur une belle scène comme celle de la Chapelle, c’est tout aussi gratifiant. Et en matière de nourriture pour la comédienne que je suis, c’est inespéré !
 
OLM : Aujourd'hui vous êtes au Festival d'Avignon avec la Loi de Tibi, avec Jean-Michel Martial, est-ce une sorte de consécration?
KP : Une concrétisation ? Je n’arrive pas à voir les choses sous cet angle. Je dirais davantage qu’Avignon est une étape. Une étape importante, certes ! Ce que je peux dire, c’est que je suis reconnaissante. Jean-Michel Martial m’a très généreusement embarqué avec lui dans l’aventure de La Loi de Tibi, et aujourd’hui, nous sommes en Avignon. C’est une chance ! De plus les retours sont toujours très positifs, ce qui ne gâche rien !!?Je sens néanmoins que les choses sont en train de bouger, et j’espère qu’elles seront aussi positives que ce que nous sommes en train de vivre.

Quels sont vos projets pour les mois à venir?
Je serai en Guadeloupe à la fin de l’année pour travailler avec José Pliya sur une pièce pour jeune public avant une tournée en France (Monsieur, Blanchette et le Loup). J’ai également monté ma compagnie avec une amie du conservatoire, Margherita Bertoli. La Compagnie s’appelle KAMMA (http://kammacompagnie.wix.com/kamma). C’est un collectif d’artistes d’horizons divers (chant, danse, art contemporain, théâtre, cinéma...). Nous travaillons donc à diffuser plusieurs de nos projets, et notamment la pièce « Médée Kali » de Laurent Gaudé (Mise en scène : Margherita Bertoli), que nous avons récemment présenté au festival CAP EXCELLENCE EN THEATRE. Et puis, il y aura quelques représentations de LA LOI DE TIBI entre le mois d’avril et le mois de juin 2014.

OLM : S'il fallait que vous donniez un conseil à un jeune qui souhaiterai prendre cette voie : quel serait- il?
KP : Ne rien lâcher. Jamais. C’est un métier difficile. Ingrat. Il y a beaucoup d’appelés, très très peu d’élus. C’est un monde parfois snob et prétentieux. Mais si on se sent brûler de l’intérieur quand on est sur une scène ou devant une caméra, alors, il ne faut pas se poser de question, il faut y aller. Et puis, les belles rencontres arrivent, aussi !! Les moments magiques, les moments de grâce.

Lu 8309 fois Dernière modification le jeudi, 25 juillet 2013 07:01