Le rideau de velours rouge se lève. Gladys Arnaud s’est mue en un adorable « papillon » pour son premier défilé dans les rues foyalaises et découvre peut-être là, sans en être consciente, le métier de comédienne. « J’ai toujours aimé me déguiser, j’ai toujours aimé le carnaval, c’est peut-être de là que me vient ma passion pour le théâtre », confie la comédienne. Mais il y a aussi cette autre scène. Et cet autre décor. Nous sommes encore à Fort-de-France, le père rentre de voyage et tend à sa fille un paquet. « Il m’avait acheté un déguisement de marquise, je me souviens de la perruque blanche, de l’éventail en plume et de la robe de marquise ». Etre comédien, n’est –ce pas d’abord se transformer physiquement ? Gladys Arnaud ne sera pas comédienne. Gladys Arnaud est comédienne mais elle ne le sait pas encore.
C’est pourtant vers la danse que se dirige la jeune fille après l’obtention de son bac. « Au début, je voulais être professeur de danse classique, j’en ai fait pendant longtemps. Je suis venue à la Sorbonne pour préparer le professorat de danse classique et de danse indienne. Et puis la vie a fait que cela s’est arrêté là ». Nous n’en saurons pas plus. La comédienne jette un voile pudique sur ce qu’il s’est passé.
Le théâtre donc. Le théâtre d’abord au Venezuela dans cet autre pays qui est aussi le sien. La compagnie Rajatabla où elle fait ses classes. Le théâtre comme une évidence, « ça a toujours été le théâtre. Quand j’étais petite, je regardais Au théâtre ce soir ». Gladys Arnaud retrouve le théâtre qu’elle n’avait pourtant jamais ni abordé ni même quitté. Troublant paradoxe. Sur scène, la comédienne ne se contente pas de jouer, de restituer son texte. Elle donne et se donne à son auditoire : « j’aime les gens, je les ai toujours aimés. » « Le théâtre, c’est offrir quelque chose au spectateur ». Gladys Arnaud donne autant qu’elle aime recevoir. De façon désintéressée : « je trouve tellement beau d’offrir ne serait-ce qu’un sourire. Quelqu’un me sourit dans la rue et je suis contente ». Et son plus beau cadeau, sa plus belle récompense reste « la satisfaction dans les yeux du spectateur. »

Gladys Arnaud ne semble se donner aucune limite. Elle fait fi des contraintes, des obstacles qui pourraient l’empêcher d’exercer son métier. Elle les contourne et se rebelle en douceur. Toujours avec des mots. Jamais belliqueux. « Je suis comédienne et c’est tout. Qu’est-ce qui empêcherait que je joue Phèdre ? Rien. Peut-être des instances mais ce ne sont que des instances ». La comédienne ne semble avoir peur d’aucun défi et elle est prête à toutes les audaces puisque le théâtre le permet : « Michèle Césaire m’a offert dans Le chemin des petites abymes, le rôle d’une femme blanche et blonde, une Française, tiré d’une histoire vraie et je n’ai pas eu de difficultés à l’interpréter. J’ai dû travailler mon accent, me décolorer les cheveux, me teindre en blond. Ça m’a coûté de ne pas aller au soleil, c’est tout. Quand les enfants jouent, ils jouent. Des enfants à la peau noire jouent aux Indiens et ne se posent aucune question et quand on les regarde jouer eh bien on voit des indiens ».
La comédienne parle du théâtre avec passion, gourmandise comme on le ferait de l’être aimé. « Le théâtre c’est comme un rendez vous amoureux ». Elle explique son attachement au théâtre qu’on pourrait croire presque charnel. Le théâtre qui l’anime. Les planches et le jeu sans lesquels on pourrait la voir dépérir. « Je ne sais pas s’il est bien ou pas de se perdre dans sa passion mais ce que je ne veux surtout pas c’est perdre ma passion ». Et Gladys Arnaud intarissable sur ton trouble, l’objet de son désir : « Quand tu entres dans un théâtre, il y a d’abord l’odeur, les fauteuils rouges, la loge qu’on s’approprie, on finit par se sentir chez soi, c’est quelque chose de particulier… ».
L’histoire d’amour avec le théâtre se poursuit. Différemment pour un temps. Après avoir été dirigée par entre autres Carlos Gimenez, Michèle Césaire ou Igor Zolotovitsky, la comédienne se met en scène dans une pièce où elle sera seule sur scène intitulée …. Rideau !* ça ne s’invente pas. Trois coups : le rideau se lève. Gladys Arnaud apparaît.
*Rideau ! de Laurent Bernat, les 12, 13 et 14 juin 2014 au théâtre Aimé Césaire à Fort-de-France (Martinique). Interprétation et mise en scène de Gladys Arnaud. Collaboration artistique : Mylène Wagram. Direction musicale : Yves Petit.
Quelques pièces dans lesquelles Gladys Arnaud a joué
Cipango de José-Antonio Rial – mise en scène Carlos Gimenez, 1988
Camino a Kabasken de Elio Palencia – mise en scène Anibal Grunn, 1989
Hyménée de Nicolas Gogol – mise en scène Igor Zolotovitsky – Sergueï Zemtsov, 1995
Le Chemin des petites Abymes de Michèle Montantin – mise en scène Michèle Césaire, 2000
La Cerisaie de Tchekhov – mise en scène Jean-René Lemoine, 2003
Le coin des Amen – de James Baldwin – mise en scène Samuel Légitimus, 2007
Une saison chez Césaire, dramaturgie Michèle Césaire - mise en scène Ruddy Silaire, 2010
Crédit Photos: Pierre SIGISCAR
